Nora Farah est une artiste reconnue à Oslo et dans d’autres villes en Europe, elle a fait ses études à ESMOD et a débuté sa carrière en tant que designer de mode à Paris. Elle a travaillé entre autres pour Azzedine Alaïa et des marques comme Nancel, Franck Olivier etc.
Elle a réalisé des créations depuis 25 ans dans la haute couture et le sur-mesure en Norvège. Elle compte, parmi ses clients, la famille royale norvégienne, différents artistes et stars du showbiz, des femmes d’affaires, des politiciennes et autres personnalités féminines… Elle a aussi réalisé des collections de prêt-à-porter, distribuées dans 45 boutiques sur toute la Norvège.
Depuis 4 ans elle a expérimenté ses techniques sur d’autres surfaces et a réalisé plusieurs œuvres plastiques : des tableaux et des torses de femme dans une combinaison de matières étonnantes (dentelles incrustées dans des matières diverses, la soie…).
Le fil conducteur de ses travaux se situe dans une recherche permanente de nouvelles expressions tout en utilisant les techniques qu’elle maitrise depuis 25 ans de métier à l’instar du drapé. Elle travaille le tissu en créant des effets de relief et mélange le tout avec du plâtre qu’elle travaille et imprime.
Ces œuvres qui se démarquent, donnent des dimensions nouvelles à ses travaux.
Elle a su faire un assemblage d’éléments uniques sous de nouvelles formes en utilisant différents matériaux : tissus exclusifs, de la dentelle, des matériaux uniques, du plâtre en harmonisant le tout par un choix de couleurs assorties. Par la sensualité et féminité de sa production, elle remet en question les codes qui influencent le quotidien de la vie d’une femme. La beauté sous toutes ses facettes. Elle nous ouvre les portes vers son univers.
Elle a exposé dans la Galerie du Colombier à la rue Saint Honoré à Paris du 21 au 25 septembre 2017 et a été très satisfaite de l’accueil qui a été réservé à son expo et des résultats recueillis.
Elle a l’intention d’exposer dans plusieurs autres grandes capitales en Europe et ailleurs.
Entretien avec une artiste complète et une femme surprenante.
Nora Farah, parlez-nous un peu de vous …
Je suis née en Norvège à Oslo. J’ai vécu à Tunis pendant 17 ans. J’ai fait mes études chez ESMOD à Paris où j’ai entre autres travaillé avec Azzedine Alaïa, Franck Olivier, Serge Nancel et plusieurs autres créateurs. Je vis actuellement en Norvège à Oslo. Je suis mariée et j’ai deux enfants.
Comment avez-vous découvert votre vocation ?
Depuis mon très jeune âge j’ai toujours été attirée par la transformation de tenues existantes et la création de nouveaux vêtements. J’allais dans la garde-robe de ma mère par exemple, et je lui piquais une jupe évasée, à la coupe classique, retenue à la taille avec un élastique. Je la trouvais très peu moderne. Alors, je la retournais, j’utilisais l’élastique de la taille et le mettais au-dessus des genoux et je me servais d’une grande ceinture pour faire tenir la partie ample, ajustée autour de ma taille. J’obtenais ainsi une jupe originale. J’étais constamment à la recherche de cette touche discrète qui faisait toute la différence, sans avoir besoin d’aller dans l’extravagance… Mais au fond de moi, je le savais. Depuis toute petite, je savais ce que je voulais devenir.
Parlez-nous un peu de votre parcours d’artiste
À mon retour à Oslo, j’ai travaillé pour une grosse boite de prêt-à-porter Norvégienne : Voice of Europe. Mais peu après, j’ai voulu créer mes propres collections de robes et ensembles pour femmes. C’est comme ça qu’en 1998, la société Nora Farah a vu le jour. Je crée deux collections de prêt-à-porter, par an, que je vendais dans 45 boutiques en Norvège.
En parallèle, j’ai mis sur pied un atelier de couture où je créais exclusivement des robes de soirée, de mariée. Des tenues pour les stars du showbiz, des évènements officiels et même la royauté.
Ma marque s’est faite connaître, lorsqu’une de mes robes avait été portée par une jeune norvégienne, qui était alors la copine du prince Felipe (le roi actuel d’Espagne). C’était à l’occasion du mariage du prince héritier de Norvège et elle s’est bien faite remarquée. Les magazines espagnols, français et allemands citaient mon nom, etc.
Aujourd’hui j’ai le privilège de faire partie des personnes qui habillent Sa Majesté la Reine Sonja de Norvège.
Vous portez plusieurs casquettes, vous faites de la haute couture et vous êtes aussi plasticienne, que vous apportent ces différentes activités ? Qu’y trouvez-vous ?
Une très grande satisfaction : le fait de pouvoir continuer à faire les robes pour mes clientes et de pouvoir aussi me retirer et travailler sur mes œuvres m’apporte beaucoup d’équilibre. Être un peu isolée du monde, prendre du temps pour moi, me permets de me retrouver et de me ressourcer. Je peux ainsi être encore plus créative. Prendre mon temps, expérimenter et laisser libre cours à mon imagination… ça n’a pas de prix
Comment êtes-vous perçue en Tunisie ? Est-ce la même chose à l’étranger ?
Je suis égale à moi-même. Le fait d’être de double nationalité et l’éducation que j’ai reçue m’ont permis d’avoir une richesse supplémentaire. Cela m’a appris à respecter les différences et à m’adapter plus facilement aux situations. J’ai toujours eu ma propre identité : une forte personnalité comme toute bonne Tunisienne qui se respecte (rire). Je n’ai jamais voulu être mise dans un moule. Je me sens citoyenne du monde. Les contrastes m’attirent toujours. Cela se ressent dans mes œuvres et mes robes… Il y a cette démarche constante pour retrouver un équilibre, une balance.
Quelles sont vos sources d’inspirations ?
Moi-même… Mes expériences dans le monde de la mode, la recherche du détail, des idées innovatrices, des techniques nouvelles, combiner la « fashion » et l’art sous ses différentes facettes…
Avez-vous un créateur fétiche/ un artiste qui vous influence ?
Chaque artiste sort de l’ordinaire et constitue une influence. Tout dépend de l’œil de celui qui regarde. C’est interminable… Le cerveau absorbe au quotidien. Ça peut être fatiguant des fois. Être créative, c’est aussi observer et absorber.
Que pouvez-vous nous dire au sujet de votre nouvelle collection ?
Mes nouvelles œuvres sont un peu plus colorées que les précédentes. Une vision sur l’avenir de la Tunisie qui m’inquiète beaucoup et que je fais ressortir sur certaines toiles. Une envie de plus de douceur, un monde plus équilibré, moins matérialiste.
Qu’est-ce qui vous inspire en tant que styliste ? Expliquez-nous, comment choisissez-vous vos matières ?
Le toucher du tissu est important… Sa souplesse. Sa tenue. La couleur adaptée à la cliente, le design sensuel, les découpes féminines. La touche finale de chaque robe doit être unique.
Le travail artistique reflète toujours un peu de son créateur. Que voulez-vous qu’on devine de vous, en regardant vos créations ?
La femme prend beaucoup de place dans mes œuvres. J’ai beaucoup de respect pour la femme. C’est elle qui apportent la vie. Elle est à la fois forte et fragile. Elle est un contraste éternel. Je recherche le vrai qui est en chaque femme.
Comment réagissez-vous face aux critiques ?
C’est important d’être ouvert aux regards des autres et d’accepter les critiques constructives. Mais il ne faut pas tomber dans le piège du négatif.
Pourriez-vous nous confier un rêve ?
Je me sens déjà très privilégiée de travailler tous les jours avec ce que j’adore faire. Être créative m’apporte beaucoup de bonheur. J’ai réalisé mon rêve.
Que pensez-vous du secteur de la mode en Tunisie ?
Les tunisiens sont des artistes. Je les compare souvent aux italiens, ils ont ce je ne sais pas quoi et savent faire rêver. Il faut faire encore mieux connaître les produits et les faire voir au grand public et non pas limiter les efforts au niveau de l’artisanat.
Que diriez-vous à qui souhaiterait devenir créateur de mode ?
C’est un très beau métier qui exige beaucoup de soi-même. Il faut aimer ce que l’on fait et accepter de vivre avec son métier au quotidien.
Le mot de la fin…
Soyez toujours fière d’être femme. Acceptez-vous comme vous êtes. Soyez déterminée, sachez inclure, partagez et soyez généreuse.
Article initialement paru dans le Magazine Numéro
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