Skip to main content

Il est temps d’investir dans la jeunesse de notre pays

Très recherché, bien rémunéré et porteur de nombreux débouchés, le métier d’informaticien suscite l’intérêt des jeunes générations. L’État tunisien ne l’a toujours pas compris contrairement à certaines entreprises dont Netinfo présidée par Samia Chelbi. Elle a su capter l’énergie qui habite de très nombreux Tunisiens. Elle a compris l’importance que revêt la 3D technologie d’avenir. Le terme «3D» désigne ainsi la représentation en images de synthèse numérique, le relief des images stéréoscopiques ou autres images en relief, et même, parfois le simple effet stéréophonique. Une véritable science que peu maitrisent dans notre pays. Samia Chelbi a su donc le faire à travers son école, une institution répondant au nom de Netinfo. Elle répond aux questions de la Sultane magazine avec zèle et assurance.

Samia Chelbi
Madame Samia Chelbi, pourriez-vous rappeler à nos lectrices et lecteurs votre personne ?

Je me nomme Semia Chelbi. Enseignante universitaire en ingénierie informatique à l’ISET de Nabeul (Institut Supérieur des Études Technologiques). Je suis aussi la co-fondatrice de la première école 3D net info qui a vu le jour en 1999. En 2004, j’ai lancé l’association tunisienne des technologies créatives Createk que je préside actuellement et qui porte le projet Digi art living lab Createk certifié par European Network of living lab dont je suis le manager.

Comment est née votre passion pour les jeux vidéo et les technologies numériques ?

Très bonne question. En tant qu’informaticienne, j’ai eu l’occasion de faire mon stage pédagogique au Canada en 1996 entre le collège Limoilou et l’Université Laval et j’y ai découvert ce monde grâce au département multimédia où j’ai eu l’occasion de suivre un stage, car mon professeur-encadrant était également le chef de département. De retour en Tunisie, ma décision était prise. Je me devais de faire quelque chose pour mon pays. J’ai donc vu un intérêt énorme dans ce mélange entre ingénierie et créativité. Depuis lors, je vis une véritable aventure, un phénomène (car on ne parle pas encore d’industrie, mais bien de phénomène) qui attire les jeunes. C’est une passion qui me permet de renouveler mon énergie pour que je puisse continuer ce challenge.

La Tunisie est pionnière en Afrique et dans le monde arabe en matière de technologies numériques. Le confirmez-vous ?

La Tunisie est pionnière en ingénierie informatique, en formation et en export de cette intelligence en informatique. Mais aujourd’hui, on a besoin de mettre en place, de rajouter une couche en plus qu’est la créativité.

Une intelligence créative qui nous permette d’innover, vecteur principal pour créer notre propre contenu et pas seulement de servir les autres et d’exporter les compétences. Il est temps de créer notre propre contenu software, logiciels, jeux vidéo, applications… Et ça, c’est le jeune tunisien qui le fera, en drainant de la richesse à un petit pays que ce soit à travers les multinationales qui viennent s’installer en Tunisie, les free-lances…

La première école de 3D en Tunisie a vu le jour à Nabeul. Pourriez-vous nous en dire plus ?

Oui la première école 3D, 3D net info, a été installée à Nabeul parce qu’on a rêvé d’un territoire créatif. Nabeul et le Cap Bon sont un cadre très inspirant qui viennent installer en mode résidence d’artistes créateurs de contenus numériques. On a voulu mettre un modèle et le labelliser. Certes, on a rencontré beaucoup de difficultés pour cette mise en place, mais aujourd’hui les gens nous citent comme référence, comme l’exemple à suivre. La 3D a été rattachée à Nabeul, car c’est le premier territoire qui a osé cette innovation.

Quels problèmes majeurs avez-vous rencontrés lors de sa création ?

Nous avons rencontré plusieurs problèmes dont le principal est de travailler sur un nouveau créneau. Le terrain est vierge, il n’y a pas de concurrents, pas de structure qui aurait pu nous servir de modèle, de source d’inspiration, dont nous aurions pu reprendre les concepts et éviter les erreurs. On ne peut ramener un concept, une innovation internationale et l’adapter au niveau local. Un autre problème de taille est le fait qu’on ait ciblé toute l’Afrique. De fait, on a dû comprendre les différentes mentalités, états d’esprits venus se former dans le même cadre : marocains, algériens, camerounais, sénégalais, tchadiens, ivoiriens, mauritaniens, en plus des Européens venus se former à Nabeul en Tunisie. Car notre formation est avant tout axée sur l’humain. Un autre problème majeur est que nous n’avons reçu aucun soutien de la part de l’Etat. Nous étions seuls à dire à haute voix, « c’est un créneau porteur, venez ! C’est l’avenir de notre génération, notre avenir ». On n’a de cesse de le dire depuis 1991. Et hop 2011 ! La révolution nous a freiné pour comprendre et mettre à jour un autre état d’esprit. Plusieurs variables sont alors entrées en jeu auxquelles nous n’étions tout simplement pas préparés.

Verra-t-on un jour des jeux vidéo tunisiens sur PS4 ou Xbox ?

Oui, un jour. Mais cela dépendra de plusieurs facteurs. Nous sommes en train de voir de belles initiatives de la part de start-ups surtout en jeu réseau, multiplayers, jeu mobile, web, mais aussi les jeux de réalité virtuelle, de réalité augmentée… Mais qui dit ps4, Xbox suppose qu’il y a derrière Microsoft, Sony, les grands en somme. Pour pouvoir travailler avec ces grands, il faut que l’État Tunisien s’investisse et mette en place une stratégie, une politique. Que les grandes firmes se disent enfin : « Oh, l’environnement est adéquat, on va penser à ce public !».

Samia Chelbi, vous dites que la maîtrise du numérique peut apporter un ‘’plus’’ considérable pour les médecins, les architectes… Qu’entendez-vous par là ?

La création du contenu numérique et créatif, c’est cela la 3D et elle sert à ça. C’est notre champ de bataille. Notre formation permet de développer un esprit productif et créatif basé sur le numérique. Nous, pays africains et du Moyen-Orient sommes de grands consommateurs. À travers le projet net info, on donne un outil, une méthodologie pour que ces créatifs via le numérique, trouvent leur voie, leur épanouissement. Des outils pour créer et imaginer à l’infini, sans contrainte. Oui, la création numérique sert tous les domaines : industrie, construction, architecture, divertissement, éducation, santé, ingénierie mécanique et électrique (application réalité virtuelle) la conception numérique est intégrée dans tous les domaines.

Est-il possible que des connaissances dans ce domaine puissent considérablement résorber le chômage en Tunisie alors que partout ailleurs dans le monde, les scientifiques et les spécialistes tirent la sonnette d’alarme sur le fait que la notion même de travail est appelée à disparaître à cause des ordinateurs?

Aujourd’hui, le monde vit une vraie révolution, il n’y a plus de barrières entre les technologies. On ne peut plus parler de design sans parler de big data, de cloud, d’intelligence artificielle. Cette synergie, cette explosion du digital et des réseaux sociaux. Il faut urgemment penser à une mise à jour du profil métier qui évite à nos jeunes diplômés de rester au chômage. Il faut qu’il y ait transformation au niveau de l’état d’esprit.

Samia Chelbi, quels sont vos projets d’avenir ?

Notre avenir réside dans cette jeunesse. La solution est là. L’essentiel, il faut éveiller la jeunesse sur les métiers d’avenir. Les jeunes doivent devenir rentables pour eux-mêmes et pour l’économie nationale et internationale. Comment les connecter aux bons réseaux et faire en sorte qu’ils soient compétitifs au niveau international. Net info, c’est plus de 7000 professionnels et étudiants formés originaires de 15 pays différents. On a aussi une mission africaine puisque nous avons des étudiants originaires de Tunisie donc mais aussi d’Algérie, du Maroc, du Sénégal, du Togo, du Tchad, du Burkina Faso, du Cameroun, du Congo, du Bénin en plus de deux pays européens que sont la France et la Belgique. Notre mission première est de rendre accessible ce savoir. Former des compétences. Rameuter des professionnels de l’industrie qui peuvent convertir cette jeunesse en jeunesse opérationnelle. Qu’ils transfèrent leur savoir et leur savoir-faire. Des fournisseurs de services à cette jeunesse.


Source: Cet article est apparu pour la première fois dans La Sultane #49


N’oubliez pas de nous suivre et de vous abonner à notre contenu