La mosaïque fait non seulement partie de notre héritage culturel, mais constitue aussi une valeur sûre de notre temps.
C’est pourquoi nous allons vous parler de Mehdi Benedetto, le digne successeur des mosaïstes d’antan. Issu d’une double culture franco-tunisienne et d’origine italienne, il incarne à lui seul la notion de citoyen du monde.
Né à Tunis en 1974, il s’intéresse dès sa plus tendre enfance au dessin et à la décoration.
Disons simplement qu’il s’intéresse au Beau. Et ce qu’il produit aujourd’hui est exceptionnellement beau. Diplômé́ de l’école d’Art et de Décoration de Tunis et après qu’il ait travaillé en tant qu’assistant décorateur pour le cinéma et le théâtre tunisiens, il est engagé en 1997 dans un atelier italien de marqueterie et de sculpture sur marbre.
Et c’est à partir de ce moment là que la pierre le fascinera. Depuis, il ne cesse de s’émerveiller devant ces petites choses.
Nous autres n’y voyons que des cailloux. Lui, y perçoit toute une histoire. C’est cette intuition qui révèlera tout son talent.
Il commence alors à travailler en parallèle, sur des projets personnels. Et en 1998, il ouvre son propre atelier. Il continuera à développer son potentiel, à améliorer sa technique à explorer de nouveaux horizons. Il explore ainsi la sculpture en construction et la peinture-mosaïque. Et c’est donc tout naturellement qu’il trouvera dans l’œuvre de Gustave Klimt une inestimable matière à adapter en micro mosaïque de marbre et de pierres semi-précieuses, le tout en restant fidèle aux couleurs originales de Klimt.
Il fait partie en 2001 des trois meilleurs artistes-artisans tunisiens et expose ses travaux à la galerie SEMA, Viaduc des Arts à Paris.
Il participe par la suite à plusieurs expositions collectives en Tunisie et à Ibiza.
En 2004, Mehdi Benedetto rencontre la directrice artistique de la maison Hermès, Leila Menchari.
Il contribue alors en 2004, 2005 et 2014 à la décoration de la vitrine d’automne de la maison de luxe en utilisant ses œuvres, ses sculptures et ses marqueteries de marbre.
Cette année il a été́ sélectionné́ pour participer à une exposition internationale itinérante de la collection d’art contemporain de la Fondation Luciano BENETTON « Imago mundi ».
Il prend part au projet « Turbulence » qui regroupe entre 150 et 200 artistes tunisiens ou résidant en Tunisie.
Et en ce moment même, il participe à la 6ème édition du concours d’Art Contemporain, le GemlucArt, placée sous la présidence d’honneur de Son Altesse Royale la Princesse de Hanovre. (Le Gemluc étant le Groupement des Entreprises Monégasques dans la Lutte contre le Cancer).
Entretien avec l’artiste
Mehdi Benedetto, vous êtes artiste mosaïste. Cette appellation vous convient- elle ? Comment vous définissez-vous ?
Oui, tout à fait, je suis artiste mosaïste. Je crois pouvoir me présenter comme quelqu’un de passionné par les pierres et qui essaye de leur donner une nouvelle forme de lecture, une nouvelle forme de vie en quelque sorte.
Parlez-nous un peu de vous. Comment s’est fait la découverte de votre vocation ?
Je suis un épicurien dans l’âme, j’adore la nature et ce qu’elle me transmet à travers différentes disciplines telles que ma passion pour mon travail, l’art, la pêche, la chasse…
À quel moment vous êtes-vous dit « c’est ce que je veux faire !» ?
C’est en travaillant en tant que chef d’atelier chez Artémis, un atelier de marbre, que j’ai approché la pierre et qu’elle m’a fasciné.
La vie est faite de rencontres. Elles nous enrichissent toutes. Certaines nous donnent des leçons, d’autres nous donnent de l’espoir. Parlez-nous de celles qui ont compté pour vous ?
Au début il y a eu LIZE BISGART et LUCIANO MALAZZANI qui m’ont fait confiance au sein d’Artémis. Ça m’a permis de développer mes techniques et d’explorer mon gout pour la pierre. Ensuite, il y a eu ma rencontre avec Leila MENCHARI décoratrice de chez HERMES. Elle a cru en moi et a fait appel à mes services pour la décoration des vitrines de la maison de Luxe. Maintenant, ça fait plus de 10 ans que nous collaborons ensemble. Puis, il y a eu surtout ma rencontre avec Lendaro AURELIE, mon coach, qui est une personne très investie, pleine d’idées novatrices et qui ne craint pas le travail de terrain.
Je tiens également à souligner l’importance du rôle joué par la Fondation Almadanya qui a contribué à promouvoir mes œuvres à l’étranger, notamment à Monaco récemment.
Le travail artistique nécessite un renouveau constant. Comment voyez-vous votre parcours? Qu’est- ce qui vous inspire ? À quoi aspirez-vous ?
Cela nécessite des recherches de matières, beaucoup de documentation. Une exigence de déplacement, d’être constamment en mouvement. Puis, il y a aussi l’importance de l’évasion pour mieux me recentrer sur mon art. Avec le recul, je réalise combien j’ai évolué depuis 1998. J’ai affiné mon travail. Je me suis fait une clientèle dont la majeure partie fait partie aujourd’hui de mon cercle d’amis.
Par ailleurs, j’ai également beaucoup appris en termes de relationnel puisque je suis de nature un peu sauvage. J’ai changé au fur et à mesure que mon travail a pris de l’ampleur. J’ai été très inspiré et même envouté par les œuvres de Klimt. Maintenant j’arrive à un tournant dans ma vie artistique. Je voudrais avoir assez de moyen pour laisser libre court à mon imagination qui déborde d’idées, mais il faut les canaliser… Je souhaiterai pouvoir mixer différentes techniques et créer une signature qui me soit propre, développer une nouvelle forme d’expression artistique.
En réalité c’est la distance qui permet de reconnaître la qualité d’une mosaïque.
En la regardant de loin, on doit presque avoir l’impression de voir un tableau. Les tesselles doivent être très peu visibles. C’est ce qui définit la finesse d’une mosaïque.
Pour réussir à réaliser un tel défi, le mosaïste doit évidemment être doté d’un sens artistique certain, mais aussi d’une qualité nécessaire : la patience. Ensuite vient la délicatesse de l’exécution. Rien de tout ceci ne serait possible sans on n’est pas passionné par ce qu’on fait. Un bon mosaïste doit être doté d’un sens artistique et d’une principale qualité : la patience. Apres viens la délicatesse, l’œil, et enfin être passionné.
Quelle est la place de la mosaïque en Tunisie aujourd’hui? Pensez-vous qu’elle soit appréciée à sa juste valeur ?
À mon grand regret je pense que la mosaïque est trop souvent associée à l’ère antique, c’est à dire en référence à notre histoire et notre patrimoine qui est richissime je l’entends bien !!! Il faudrait que nos mosaïstes osent explorer de nouveau chemins, essayer de nouvelles manières de créer, être plus contemporain, tout en préservant une part de l’identité de notre cher pays. Il y a beaucoup de talent à découvrir, encore ici en Tunisie. Paradoxalement, la mosaïque est à la fois très appréciée et ne l’est pas assez. Nous savons tous la chance que nous avons d’avoir le musée du Bardo, avec son impressionnante collection de mosaïques, très bien conservées et accessibles au public. Cependant, il y a sur le site d’El- Djem, des artisans qui reproduisent des mosaïques antiques ainsi que différents ateliers qui sont toujours dans la reproduction des mosaïques anciennes. Je n’ai pas connaissance d’autre chose.
Vos travaux sont d’une grande beauté. Quelles sont les réactions du public à votre égard/ par rapport à vos réalisations ?
Il y a, je pense, un « attachement particulier » à la mosaïque dans le cœur des tunisiens, la plupart du temps les réactions sont très encourageantes. Cependant le travail que je propose est « ATYPIQUE » donc perçu différemment de celui des autres mosaïstes. Je m’explique : mes œuvres sont réalisées très souvent en micro mosaïque de pierres semi précieuses, et nécessitent des mois de travail et de concentration. Donc le prix est en conséquence. À l’étranger, les gens n’imaginent même pas qu’on puisse concevoir de telles œuvres à la main…
Qu’est-ce qui vous a marqué ces derniers temps ?
J’ai participé à l’exposition collective« TURBULENCES » (une sélection de artistes 150 tunisiens) pour la fondation Luciano Benetton, chapeautée par Madame Leila Souissi qui y a déployé une grande énergie pour la préparation de cet évènement de grande envergure. J’ai participé avec une œuvre de 10×12 m. Cette œuvre est actuellement exposée à Rome et continuera son chemin de biennale en biennale dans le monde entier. J’ai également donné des cours à l’école Française de la Soukra pour la confection d’une œuvre grand format 2mx1.20m réalisée par des enfants. J’ai beaucoup aimé cette expérience.
Puis il y a eu la venue de Leila Menchari pour préparer la mise en scène d’une exposition de prestige pour la haute joaillerie de la marque HERMES. J’ai eu le privilège d’y être invité et de découvrir un cercle très fermé, d’une grande beauté́ de par les créations fantastiques de pierre Hardy. Mes œuvres ont été mises en scènes de manière féérique et servaient de support à des diadèmes en diamants et autres bijoux précieux. Et récemment j’ai été à Monaco pour participer au concours d’ART CONTEMPORAIN GEMLUCART une fondation de la princesse de Hanovre pour la lutte contre le cancer. J’y ai concouru avec une œuvre grand format en mixant pour la première fois des techniques et les matières.
Qu’aimeriez-vous qu’on sache de vous ?
Je me sens un peu frustré car je travaille avec du matériel rudimentaire, ce qui me freine dans ma création.
Et si c’était à refaire, que feriez-vous autrement ?
Rien du tout, maktoub !!!
Le mot de la fin pour La Sultane et pour nos lectrices
Merci pour l’intérêt que vous portez à la transmission de notre savoir faire et d’intéresser vos lectrices avec vos articles. Merci également à toute l’équipe de La Sultane !
Propos recueillis en décembre 2014
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