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Myriam Riza Rouissi fait partie de ces femmes qui méritent d’être célébrées plus régulièrement. Créatrice de mode, fondatrice et gérante de la société Miss Anaïs (avec 7 employées brodeuses, modélistes et couturières) et animatrice et productrice d’une émission de radio MODE FM sur RTCI, elle occupe le poste de Directeur Financier d’un groupe (où elle chapote le département financier et dirige une équipe de 6 personnes), en plus d’être maman de deux enfants. En fait, WonderWoman, c’est un peu elle. L’Interview…

Myriam, vous faites partie de ces femmes qu’on admire. Vous êtes active et créative. Vous portez de nombreuses casquettes et vous vous occupez de vos enfants. Vous parvenez à concilier votre vie professionnelle et votre vie privée, quel est votre secret ?

En fait, tout est question d’organisation et de concentration! Je travaille à temps plein les lundi, mardi, jeudi et vendredi en tant que Directrice Financière. Le mercredi matin est consacré à l’enregistrement de mon émission MODE FM sur RTCI. Le mercredi après-midi et le samedi, je les passe à l’atelier MISS ANAÏS et je les consacre totalement à la création. Bien sûr, mes filles sont avec moi les mercredi et samedi à l’atelier, ce qui me permet d’allier l’utile à l’agréable. Je peux donc me concentrer sur la création en profitant d’elles à chaque pause. D’ailleurs, je leur ai transmis ma passion : elles ont leur kit couture enfants pour s’occuper et elles adorent ça ! Le dimanche est sacré et consacré à la famille et aux devoirs des enfants. Lorsqu’on est une femme très active, il faut savoir trouver le temps pour sa famille. D’ailleurs, ces moments sont privilégiés et de qualité : quand on culpabilise de les avoir laissés toute la journée, on est avec eux, et son mari bien sûr, à 100%. Même si parfois faire le bain et les devoirs, cuisiner le dîner, lire une histoire avant de s’endormir peuvent paraître fatigant, le plaisir de se retrouver, quand on lit, dans les yeux de ses enfants, donne toute l’énergie nécessaire ! Nous avons aussi pris l’habitude de préparer le dîner en famille, c’est un rituel et un jeu à la fois.

Parlez-nous de vous, de votre parcours, de la naissance de vos rêves.

Après mon BAC, j’ai fait un DEUG en eco-gestion à Toulouse où j’ai réussi major de promo, j’ai eu la chance de pouvoir intégrer l’une des plus prestigieuses universités françaises, l’université de Paris-Dauphine, où j’ai fait des études en finance (Master Sciences de Gestion spécialité Finance) puis Reims ou j’ai fait un 3 ème cycle en Finance internationale. J’ai pu occuper des postes à responsabilités dans les plus grandes multinationales françaises. J’ai travaillé à la société Générale en Contrôle de Gestion puis j’ai passé 5 ans en tant qu’auditrice dans le secteur bancaire chez KPMG puis 2 ans chez Ricol, Lasteyrie et associé en tant qu’analyste financier en fusion-acquisition. Pour finir, je suis allée au Koweït pour une nouvelle opportunité où j’ai passé 2 ans chez Alstom au sein de la Direction financière. Parallèlement, le stylisme et la création, prenaient une bonne partie de mon temps libre. À mon retour définitif en Tunisie, en mai 2014, j’ai repris la direction Financière d’un grand groupe familial d’import-export. Concernant Miss Anaïs, je baigne dans cet univers depuis mon plus jeune âge bien sûr grâce à l’atelier de ma mère qui est aujourd’hui devenu notre atelier. J’ai toujours été passionnée de mode, je passais mon temps libre à l’atelier, elle fait de la haute couture ce qui est assez différent de ce que je fais aujourd’hui. J’ai créé une ligne de vêtements plus à mon image un style sportswear chic à tendance Pop Rock avec des broderies personnalisées.

Comment avez-vous eu le courage de vous lancer simultanément dans des activités aussi différentes. À quand remonte l’envie de créer Miss Anaïs ? Comment avez-vous découvert votre vocation? À quel moment vous êtes-vous dit : il faut que je le fasse ?

En fait, c’est plus précisément en 2017 qu’il m’a paru évident de créer ma propre marque. Au sein du Groupe Financier, j’avais formé une équipe solide, mis des process de contrôle, je pouvais donc me permettre de lâcher du lest pour réaliser mon rêve : créer ma marque. Pour ce qui est de l’émission de Radio que j’anime, Mode FM, ça a été une belle opportunité pour moi. Cela fait partie de mon monde, je n’ai pas hésité une seconde quand on me l’a proposé, j’adore mon métier d’animatrice et on forme une belle équipe très complice et soudée avec ma mère Raoudha Riza qui était une des premières telespeakrine et Philippe Xerry, passionné de mode. Je considère que MISS ANAÏS et MODE FM sont plus une passion qu’un travail et je pense que c’est pour cela que j’arrive à tout gérer.

Quelles sont vos sources d’inspiration ? Des artistes que vous appréciez ? Des créateurs fétiches ? Parlez-nous de votre rythme de production ? Du secteur de la mode en Tunisie? Comment voyez-vous votre propre contribution?

Mes sources d’inspiration sont tout d’abord notre patrimoine tunisien. Mon fameux tee-shirt Tounsia a eu beaucoup de succès, j’ai aussi fait une collection mfalfla issue de notre fameux felfel barla3bid, et dans mes produits phare, on retrouve également l’œil, la khomsa, le poisson… Mon univers est Pop Rock. J’aime beaucoup Zadig et Voltaire pour son style Rock de luxe, mais aussi Alexander MacQeen pour son style anticonformiste. Kate Moss m’inspire beaucoup pour son style très décalé, empreint d’une forte signature Rock. Mon rythme de production reste assez artisanal, les sequins sont brodés traditionnellement au crochet (à la main et à l’envers du tissu), donc il faut 48 h pour produire un modèle. Le secteur de la mode en Tunisie manque de structures, les créateurs ne sont pas soutenus, surtout s’ils ne reproduisent pas l’artisanat traditionnel «à la lettre ». Il n’y a pas de syndicat pas de label. Seuls les artisans et les industriels sont bien organisés. Grâce à la radio et à Mode FM, nous avons lancé tellement d’appels et nous l’avons tellement souligné. Peut-être d’ailleurs que c’est grâce à cela que la fédération tunisienne du textile et de l’habillement m’a choisie comme un des membres fondateurs du collectif des créateurs qui est en train d’être mise en place. Je pense qu’on a encore beaucoup à faire et je ferai en sorte que ma contribution soit à la hauteur des attentes des créateurs tunisiens.

Avez-vous une charte de conduite, un style auquel vous vous conformez en toutes circonstances? Avezvous des matières dont vous ne vous passez jamais, une couleur toujours présente ? Comment vous projetez-vous dans 5 ans ?

Le coton, le jean et le dengri sont les matières que je travaille énormément. Mais je travaille aussi le vintage, j’aime beaucoup aller aux fripes dénicher mes futures pièces uniques comme ma collection de kimonos, ou les fameuses salopettes mécano ou «bleu de travail » qui ont connu un grand succès.

Dans 5 ans ?

Alors j’ai beaucoup de projets : j’écris actuellement un livre sur la Tunisie avec une amie, Isabelle Enault, (oui je trouve le temps la nuit avant de me coucher pour écrire, c’est d’ailleurs un excellent déstressant ! ) Il devrait sortir en décembre. Je compte agrandir l’atelier, m’industrialiser tout en gardant la partie artisanale, ouvrir des points de vente sur tout le territoire tunisien.

De toutes les casquettes que vous portez, laquelle vous ressemble le plus ? Comment réagissez-vous face à la pression et aux défis? Que faites-vous pour décompresser?

C’est vrai que mon plus grand plaisir est dans la création et la radio, mais la finance fait partie de ma vie, de mon cursus, je n’arrive pas à m’en défaire ! Et puis c’est assez complémentaire, je trouve. Le monde de la finance est passionnant et on apprend beaucoup. Et il m’a d’ailleurs beaucoup apporté. Aujourd’hui, j’analyse mieux le marché, j’ai constaté que les femmes étaient de plus en plus actives et qu’elles avaient besoin de gain de temps! Elles sont aussi plus difficiles: avant tout, l’originalité et la qualité. Le prix n’est pas forcément décisif. Donc, sur ces bases, j’ai créé le concept de vêtements personnalisés et livrés à domicile. La finance m’a aussi appris la négociation pour acheter mes matières premières de qualité et au meilleur des prix. Elle m’a appris à gérer la société et ses salariés, à mieux recruter…

Y a-t-il une chose qui vous tienne à cœur ? Un combat que vous aimeriez mener ?

J’aimerais beaucoup pouvoir participer à la sauvegarde des métiers traditionnels que j’utilise, comme la broderie au crochet, en participant à la formation de nouvelles brodeuses et en les embauchant ensuite… Pour l’instant, je n’ai pas vraiment trouvé de piste ni de temps, mais ça viendra !

Parlez-nous de votre expérience la plus marquante. Votre plus belle rencontre? Quel impact sur la personne que vous êtes aujourd’hui ? Parlez-nous de celui ou celle que vous admirez le plus.

J’ai fait beaucoup de belles rencontres dans ma vie, je pense que le hasard n’existe pas, et que les gens sont placés sur notre chemin pour nous ouvrir des voies, nous guider ou nous faire réagir, rebondir. La dernière rencontre qui m’a le plus marquée était à Paris : j’ai pu discuter longuement avec Jean Paul Gaultier que j’admire, et qui m’a étonné par sa simplicité et son humilité.

Que retenez-vous de votre parcours ? Et le mot de la fin pour tous ceux qui apprennent à vous connaître à travers ces quelques lignes

Je retiens que je suis polyvalente et passionnée, qu’il ne faut pas aller contre sa nature, et que tout est une question d’organisation. Il faut aller au bout de ses rêves, ne pas rester dans sa zone de confort, tout en ne s’oubliant pas, et en préservant sa famille.

Myriam Riza

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Source: La Sultane #49

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