Pourquoi des tunisiennes bilingues (arabophones et francophones) devraient-elles s’intéresser au Friluftsliv un mot norvégien qui se prononce free-loofts-liv à l’anglaise ? Et d’abord de quoi s’agit-il ?
Le Friluftsliv… Qu’est-ce que c’est?
Lorsque nous observons le classement mondial du bonheur, il est facile de voir que les pays scandinaves occupent assez régulièrement les premiers rangs. Ce qui signifie que les populations de ces régions, mènent une vie… heureuse. Les Danois, champions du monde du bonheur, sont connus pour une pratique dont nous avons déjà parlé dans nos colonnes : le hygge, un mot qui n’a pas d’équivalent dans les autres langues, et qui se réfère à une philosophie de vie, prônant un certain confort intérieur et encourageant le développement de relations humaines harmonieuses… La Norvège et la Suède, partagent un concept moins connu et aux vertus pourtant assez similaires. Il s’agit du Friluftsliv, un mot dont la traduction littérale signifie à peu près «la vie à l’air libre». Vous l’aurez deviné, cette pratique encourage à passer du temps à l’extérieur et à se connecter à la nature. Il s’agit d’un terme, en Norvège, qui permet de décrire un mode de vie consacré à l’exploration et à l’appréciation de la nature. C’est aussi le nom d’un cours très apprécié, enseigné dans de nombreuses écoles primaires.
Les Origines du Friluftsliv
Le mot est apparu pour la première fois dans le poème d’un célèbre dramaturge norvégien Henrik Ibsen en 1859. Il décrit un protagoniste qui a besoin de rester seul, en plein air, afin de se clarifier les idées et de réfléchir à son avenir. Et bien qu’il fût le premier à l’utiliser sous cette forme, le mot Friluftsliv, découle d’un autre concept norvégien «allemannsretten» signifiant « le droit de tous à parcourir librement». Ce concept permet par exemple, à tout un chacun, de se promener dans une propriété privée, à condition de respecter certaines règles. Cette tradition, assez ancienne, a été officiellement codifiée dans le droit norvégien de 1957 relatif à la Loi sur les loisirs extérieurs. Ainsi, il est tout à fait possible de camper sur la propriété privée de quelqu’un d’autre pour une nuit, à condition d’être poli et de se tenir à plus de 150 mètres des bâtiments habités. Cette loi a permis d’implanter deux principes fondamentaux du Friluftsliv: la curiosité et le calme. Et même si les mots permettent de façonner notre mode de pensée, c’est l’idée derrière leur utilisation qui compte le plus. Et il y a un besoin urgent d’adopter cette philosophie de vie et de généraliser sa pratique.
Le Friluftsliv selon les puristes
Le Friluftsliv est la renaissance de soi à un monde qui nous dépasse. Cette philosophie permet de se mettre sur la voie d’un mode de vie ancien. Ainsi, on permet à l’entité biologique que nous sommes de renouer avec la nature. En effet, dans le monde « pré-civilisé», les humains évoluaient instinctivement dans leur environnement. Nous serions donc biologiquement programmés à survivre en pleine nature. Or, notre vie urbanisée actuelle, nous coupe de cette capacité innée et de ce besoin vital. Profiter de la nature, échapper à la vie urbaine, enrichir sa spiritualité sont, certes, des composantes essentielles au Friluftsliv, mais elles ne suffisent pas à établir une connexion profonde avec elle. Ainsi chez les puristes, ces activités en plein air s’apparentent davantage à une forme de thérapie qu’au Friluftsliv authentique. En effet, celui-ci nécessite un certain nombre de compétences qui permettent de survivre même aux conditions extrêmes d’un environnement qui peut s’avérer difficile. Il n’est pas question de conquérir la nature ou de la combattre, mais plutôt d’apprendre à s’harmoniser avec elle, en apprenant à exploiter les ressources (abri, nourriture) qu’elle met à la disposition de l’homme. Les puristes qui pratiquent le Friluftsliv ne sont pas à la recherche active de frissons et d’aventures même si les pics d’adrénaline font certainement partie de son charme. Le Friluftsliv leur offre une expérience sociale dont la vie urbaine nous prive au quotidien. En effet, cette pratique exige souvent la participation d’un groupe de personnes (en général des amis) et leur permet de vivre des expériences uniques qui ne sont pas sans rappeler la vie tribale des sociétés premières : on se déplace en groupe, on se partage les taches, on dépend les uns des autres, on se protège mutuellement, on se fait confiance, on s’assoit autour d’un feu de camp pour profiter du calme… Il s’agit là d’un ensemble d’interactions humaines qui n’ont pratiquement plus lieu dans notre vie moderne et qui nous manquent sans que l’on s’en rende vraiment compte. Le Friluftsliv est une philosophie de vie et un développement personnel. Il s’agit d’un processus qui permet d’améliorer progressivement l’estime de soi, les relations sociales, les compétences de survie tout en développant un plus grand respect de l’homme vers la nature, un amour vrai qu’aucune théorie ne peut nous transmettre.
La pratique simplifiée du Friluftsliv
S’il est vrai que les pays scandinaves sont riches de leurs chaînes montagneuses spectaculaires, leurs forêts luxuriantes, leurs fjords impressionnants, les plages de nos côtes et les dunes de notre Sahara n’ont rien à leur envier. En effet, la pratique simplifiée du Friluftsliv consiste à passer du temps en pleine nature. Beaucoup de temps. L’idée est de renouer avec ce rapport intrinsèque qui nous relie à la Terre, notre mère nourricière. Dites-vous que le simple fait de vous allonger sur le sable au bord de l’eau est une manière de pratiquer le Friluftsliv. C’est également le cas d’une randonnée en forêt, de l’observation des étoiles alors que vous êtes au Sud. Tant que vous êtes en contact avec des éléments de la nature, vous êtes sur la bonne voie. Il n’est absolument pas nécessaire de posséder d’équipement sportif sophistiqué. Tout ce dont vous avez besoin, c’est une capacité à immerger dans la nature.
Le Friluftsliv est l’antidote parfait à notre mode de vie effréné et ultra connecté. Il permet de reposer notre attention constamment sollicitée. Le bonheur est une pratique qui s’apprend. Commencez donc à passer plus de temps à l’extérieur et augmentez le nombre et la fréquence de vos activités en plein air.
En effet, mener une vie recluse entre quatre murs augmente notre vulnérabilité au stress, à l’anxiété, à la dépression, alors que la contemplation régulière des arbres, de la verdure, de l’eau, apaise l’esprit tout en stimulant la créativité.
Les bienfaits avérés du Friluftsliv
L’exposition régulière à la nature permet d’améliorer la santé mentale et physique, particulièrement chez les enfants. Elle permet de réduire l’agitation reliée au TDAH (trouble du déficit de l’attention hyperactive), d’augmenter la créativité, de faire progresser la pensée critique, d’améliorer le comportement global et même les résultats scolaires. Ces bienfaits expliqueraient peut-être la biophilie innée, c’est à dire les liens que les êtres humains recherchent inconsciemment avec le reste de la vie.
Dans les pays scandinaves, alors qu’on apprend le Friluftsliv aux enfants dès leur plus jeune âge à l’école, on considère que c’est une activité physique qui permet de se changer les idées et de socialiser. Les enfants qui grandissent en ayant passé beaucoup de temps dans la nature, ont plus de chance de vouloir la protéger et transmettent à leur tour, ces valeurs autour d’eux.
Dans les pays scandinaves, cette éducation se fait souvent à l’école. Mais entre nous, rien ne nous empêche de l’enseigner nous-mêmes à nos propres enfants.
Par : Houda Chouk
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