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Lamia Chouk, vous venez, avec votre équipe, de remporter le second prix Orange de l’Entrepreneur Social en Afrique et au Moyen-Orient (#POESAM2020) pour votre Startup Ahkili ; après avoir également été sélectionné par l’INNOV’I et Expertise France dans le cadre du projet « Les startups face au Covid-19 ».
Vous acceptez de répondre à nos questions et nous vous en remercions.

Lamia Chouk

Parlez-nous de vous, de votre parcours, de ce que vous faites, de votre monde. Dites-nous quelle est la chose la plus importante de votre vie professionnelle ?

Lamia Chouk : Il faut dire que je viens d’un monde qui ne me prédisposait pas du tout à la création de Ahkili ! Je suis en fait une « analyste financière», comme on se prête à le dire dans le domaine de la Finance. À ma sortie de l’École Polytechnique de Tunisie, mon mastère de recherche en main, j’ai suivi le chemin « classique ». J’ai travaillé comme cadre financier puis contrôleur de gestion durant treize ans. Aujourd’hui, avec du recul, je m’aperçois que je n’étais pas faite pour ce « mode de vie » ; bien que j’ai énormément appris de celui-ci en termes de relations humaines. J’ai toujours eu l’intime conviction que je pouvais donner plus, et apporter plus à notre société.

Comment est né Ahkili ? D’où vous est venue l’idée de créer cette entreprise ?

Lamia Chouk : Le projet Ahkili a pris racine dans mon propre vécu. Mes parents ayant divorcé alors que j’étais encore enfant ; je peux dire que cela m’a permis de me forger une personnalité assez particulière. Solitaire, indépendante et très introvertie (du moins lors de mon adolescence). C’était ce que je laissais transparaître. Mais j’avais aussi traîné des séquelles jusqu’au début de ma trentaine, à savoir les crises d’angoisse nocturnes. Ces crises se sont amplifiées avec, par la suite, le diagnostic d’une maladie grave (la sclérose en plaques). Et puis, cerise sur le gâteau, un divorce me laissant seule avec deux bébés. Heureusement que j’ai eu beaucoup de soutien de la part de ma famille.

Mais tout cela n’empêchait pas mes crises d’angoisse qui se faisaient de plus en plus fréquentes. Jusqu’à ce que, une nuit, j’en arrive à me poser des questions. « Pourquoi il n’existe pas un moyen de faire face à cela ? » « Pourquoi n’existerait-il pas la possibilité de parler à un psychologue, même la nuit, pour m’aider à me calmer ? ». Comme j’aurais voulu à ce moment-là l’existence d’un tel service. Qu’à cela ne tienne. Dès le lendemain une seule idée fixe ; mettre en place une ligne d’écoute et d’accompagnement psychologique one-on-one.


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Parlez-nous des défis que vous avez rencontré pour mettre sur pied votre projet et celui que vous rencontrez encore à ce jour ?

Lamia Chouk : Les défis ont été nombreux ! L’aspect innovant du service que je voulais mettre en place se butait à l’absence de solutions High-Tech existant déjà sur le marché. C’est après beaucoup de recherche, et un dédale administratif qui n’en finissait pas, que j’ai pu mettre en place le système adéquat. Hormis les difficultés intrinsèques de mise en place du système, j’ai dû faire face à la difficulté d’acceptation d’un tel service. « Que dites-vous ? Accompagnement psychologique en ligne ? Les gens ne sont pas tous des malades mentaux madame, il y a des hôpitaux pour ça !» 

Oui, je parle bien du tabou de notre société face au mal-être psychologique. Sachant que, pour l’anecdote, une étude approfondie réalisée par l’OMS avait démontré que depuis une décennie, 50 % de nos concitoyens étaient soit dépressifs, soit anxieux. La moitié des Tunisiens refoulait donc son mal-être du fait de notre culture, qui faisait du recours à l’aide psychologique un réel tabou.

Comment vous projetez-vous dans 5 ans ? Quel est votre rêve ? Quelle est votre ambition ?

Lamia Chouk : Nos débuts ont été difficiles, il faut le reconnaître. D’autant plus que nous avons dû faire face à la période de la crise sanitaire Covid-19. Malgré cela, nous avons fait du chemin et avons gagné en maturité. Aujourd’hui, Ahkili est une Start Up labellisée par le Startup Act et notre dur labeur a enfin été couronné par le second prix POESAM, une distinction dont nous sommes extrêmement fiers. Nos projections sur cinq ans ? 

On va dire que toute l’équipe Ahkili et moi-même sommes guidés par notre optimisme et notre enthousiasme malgré toutes les difficultés. Notre ambition commune est que nous arrivions à « démocratiser » l’accès aux soins psychologiques, que cela ne soit plus perçu comme un tabou, mais plutôt comme un soutien indéfectible à toute personne ayant besoin d’être écouté, aidé et guidé pour atteindre un meilleur niveau de bien-être mental. Nous espérons, qu’un jour, l’approche de Ahkili soit adoptée par tous.

Parlez-nous de la personne que vous admirez le plus ou de l’événement qui vous a influencé ?

Lamia Chouk : Je vais peut-être faire dans le cliché en disant cela, mais mon père est et sera toujours mon exemple ultime. Parfois autoritaire, parfois compréhensif, il m’a inculqué un ensemble de valeurs qui font de moi ce que je suis aujourd’hui ; faire toujours ce qui est juste, même si cela implique aller à contre-courant, être intègre et travailler dur pour atteindre ce que l’on désire car, comme il le dit souvent « travail, intégrité, résilience et résistance finissent toujours par payer ». Aujourd’hui encore, quand je me sens parfois découragée ou fatiguée, ses principes (qui sont depuis devenus miens !) me reviennent immédiatement à l’esprit et me donne un second souffle pour me relever et continuer à avancer.

Quel est votre credo ?

Lamia Chouk : Toujours faire, défendre et dire ce qui est juste, même si cela implique être la seule à le faire.

Ma question incontournable. Parlez-nous de votre livre préféré ? Celui que vous avez aimé cette année ? Celui que vous recommandez autour de vous, sans la moindre hésitation ?

Lamia Chouk : Je suis plutôt cinéphile, une grande mordue des longs métrages. Pour rester dans le contexte, un de mes films préférés (inspiré de faits réels) et que je conseille à tous le monde ; « The pursuit of happiness ».

Quelle leçon retenez-vous de votre démarche ? 

Lamia Chouk : Cela peut se résumer à un dicton couramment utilisé par les Anglo-saxons, à savoir « No pain, no gain ». Vouloir atteindre son rêve n’est pas chose simple. Fatigue (physique et mentale), déception, défaite, etc. sont des éléments incontournables qui vont de pair avec la réussite. Il s’agit d’un passage obligé, mais cela ne veut pas dire pour autant que c’est une mauvaise chose ; car tout ceci forge le caractère de la personne et l’arme psychologiquement pour les épreuves à venir. Au final, avec la résistance et la foi en ma démarche, j’ai pu atteindre ce que je désire même si le chemin est encore long, je l’avoue.

Que diriez-vous aux jeunes entrepreneurs de votre génération qui pourraient parfois souffrir des moments de découragements ?

Lamia Chouk : Surtout, ne baissez pas les bras. Plusieurs combats et plusieurs difficultés vous attendent encore. Qu’on se le dise franchement, l’univers de l’entreprenariat (et celui des start-ups) est difficile et nécessite beaucoup de patience et de résistance. Ne cédez surtout pas, la situation finie toujours par tourner en votre faveur !

Le mot de la fin pour les personnes qui nous lisent

Lamia Chouk : Beaucoup de personnes autour de moi me disent que je suis courageuse et qu’il m’a fallu beaucoup de force pour faire ce que j’ai fait (sachant que je suis monoparentale) et qu’ils auraient aimé avoir cette « force » pour entreprendre telle ou telle chose. Je veux dire à toutes ces personnes qu’elles ont toutes, sans exception, cette force et ce courage. Ne vous contentez pas de la routine ou d’un travail qui ne vous satisfait pas. Il est de votre droit de vivre de la manière dont vous l’entendez, peu importe ce que vous dis votre entourage. Si vous le désirez vraiment, vous pouvez le faire.


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