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Le sexisme qu’est-ce que c’est à proprement parlé? Hager Karoui que vous avez découvert dans notre rubrique Miroir de la Sultane ; décortique pour nous un comportement que nous rencontrons si souvent qu’il en devient banalement ordinaire.

1- Comment se manifeste le sexisme ?

Le sexisme se manifeste par des attitudes, des propos et des comportements qui décrédibilisent, ou infériorisent les femmes. C’est de la discrimination ! Le sexisme crée un traitement différent pour des personnes qui sont pourtant dans une même condition. 

Les manifestations sexistes

Il y a tout un éventail de manifestations sexistes. Dans le monde du travail, cela va de se faire appeler « ma poulette » et ne pas se voir attribuer une mission ou être ignorée en réunion parce qu’on est une femme… Toute la difficulté est là. Il est difficile de prouver que l’on n’a pas eu tel ou tel dossier parce qu’on est une femme. On apprend très jeune à inférioriser la femme. L’éducation et la sensibilisation au sujet doivent donc se faire très tôt. On continue à acheter comme jouets des poupées aux filles et des pistolets aux garçons, à habiller en rose les filles et les garçons en bleu. Dans les manuels scolaires, dès qu’il s’agit de cuisine, on met des images de femmes, quand il s’agit de métiers aux études poussées, (médecins, ingénieurs) on met des hommes.

Il faudrait faire un travail sur l’usage du genre masculin et féminin dans un texte ou un discours : l’usage du masculin comme « neutre » rend le genre féminin invisible et conduit à oublier qu’il peut aussi s’agir d’une femme dans la situation évoquée. Même l’école entretient le sexisme. Bien que la Mixité existe depuis l’indépendance et que l’Ecole est obligatoire pour les filles et les garçons, il existe une disparité dans les parcours scolaires : après le baccalauréat, 74% des élèves de filière littéraire sont des filles contre 30% en filière scientifique- Les Filles sont plus diplômées mais réussissent moins sur le plan professionnel. Les adolescentes sont aussi les premières victimes des violences sexuelles à l’école : 7,5 % d’entre elles déclarent avoir subi du voyeurisme, une caresse ou un baiser.

2- Comment lutter contre le sexisme ordinaire ?

Au niveau des entreprises et administrations : il y a du boulot !

On a toutes été à un moment de notre vie, victimes de Remarques humiliantes, harcèlement sexuel au bureau, mise à l’écart de décisions importantes… Les chiffres sont accablants : en 2013, 80 % des femmes et 56 % des hommes salariés interrogés estiment que les femmes sont régulièrement confrontées à des attitudes ou des décisions sexistes au travail. Une attitude courante donc, et peu dénoncée : seulement 9 % des salariées interrogées ont osé évoquer ces comportements avec leurs supérieurs. « Ma petite », « cocotte », «  »Tu es encore enceinte » Les propos et les actes sexistes ont la vie dure en entreprise et dans la vie quotidienne. Mais ces comportements et ces petites phrases lancées parfois sans trop réfléchir ou sur le ton de l’humour ne sont pas sans conséquences sur les carrières et le bien-être des femmes.

Si le harcèlement sexuel, les agressions sexuelles sont désormais très définis et inscrits dans la loi, la définition du sexisme reste floue. Pour le harcèlement sexuel, il existe des dispositifs juridiques avec la possibilité de porter plainte. Mais aucun recours juridique n’existe contre le sexisme alors qu’il a aussi des conséquences et provoque des souffrances. 

3- Comment faire reculer le sexisme ordinaire en entreprise ?

Il faut mettre des actions en place : application du principe de tolérance zéro et sanctionner les comportements répréhensibles, diffusion d’outils pédagogiques, des images , des films mettant en scène des situations sexistes, afficher l’engagement que prend la société dans le hall d’accueil, avec l’idée de le rendre visible. S’il est important de parler, il est aussi important de former : tout nouveau-venu doit assister obligatoirement à une journée dédiée au thème du sexisme, que chacun comprenne ce qu’est le sexisme et ses conséquences concrètes, comprendre que des agissements qui peuvent être considérés comme anodins ne le sont pas, lutter contre le déni des agresseurs. Il faut sensibiliser les formateurs à la thématique du sexisme. Il faut créer un climat bienveillant, permettant à tout individu de parler du sujet, avec tous les échelons concernés, jusqu’au psychologue. Sans oublier l’application de sanctions. »

La tolérance zéro doit être visible : avec la publication du nombre de cas qui sont remontés et des traitements qui en ont été faits. Car afficher la « tolérance zéro » sans que les personnes n’en voient les effets, fera tomber le discours à plat. Il faut donc communiquer sur le type d’acte commis.

4- Peut-on être une femme et être sexiste ?

Bien sûr ! Le sexisme n’est pas l’apanage des hommes. Les femmes comme les hommes véhiculent des stéréotypes sexistes contre d’autres femmes.  33% des actes de sexismes sont ressentis comme étant autant le fait des femmes que des hommes. Les femmes ne sont pas des saintes, elles sont aussi en rivalité entre elles dans les entreprises et exercent une lutte de pouvoir qui se manifeste parfois par une volonté de blesser avec des propos ou des actes sexistes.

5- Peut-on être sexiste sans s’en rendre compte ?

Je ne crois pas. Il y a toujours une intention de nuire. Lorsque l’on tient des propos ou que l’on adopte une attitude sexiste, c’est dans l’intention de blesser et de différencier l’autre. Les femmes le ressentent bien. Elles sont certaines que c’est du sexisme lorsqu’elles se sentent blessées ou lorsqu’elles ressentent un malaise. Le sexisme atteint et fait souffrir car on a du mal à l’identifier, on ne sait pas répondre ni comment réagir à une atteinte qui est due à notre sexe et non à nos compétences ou à notre personnalité.

6- Quelle est la différence entre la galanterie et le sexisme ? Est-ce du sexisme de complimenter une femme sur sa tenue ? Lui tenir la porte ? Payer l’addition ?

Le sexisme est une idéologie qui érige la différence de sexe en différence fondamentale et qui implique un jugement négatif sur l’intelligence, les compétences ou les aptitudes des personnes. Mais arriver à le définir dans ses manifestations concrètes est très compliqué. La frontière est mince entre l’humour, la séduction et le sexisme. Mais l’humour comme la séduction, cela se joue à deux. C’est un dialogue bilatéral. A l’inverse, l’humour sexiste ou la séduction sexiste se jouent sans donner à l’autre la possibilité de répondre.

La galanterie relève de la séduction. Il y a une grande différence entre la séduction et la fausse séduction qui s’apparente à du sexisme. La séduction est un dialogue à deux. Lorsque l’on vous complimente sur votre tenue, c’est agréable et vous pouvez être flattée. Vous pourrez alors répondre en complimentant la cravate du monsieur. Il n’y a aucune volonté de stigmatiser l’autre. De la même façon, tenir la porte à une femme est une forme de respect. C’est un peu différent pour l’addition. Lorsqu’il la paie, l’homme est plus encore dans la séduction. C’est une histoire de code. Nous ne demandons pas l’égalité totale. Les hommes et les femmes sont différents, ils ont des codes et des marqueurs différents. Mais pour que les hommes ne soient pas dans la toute-puissance, il ne faut pas instrumentaliser ces différences.

5- N’y a-t-il pas un risque de tomber dans des relation complètement aseptisées entre les hommes et les femmes ?

Nous sommes très loin des codes de gouvernance à l’américaine où vous risquez un procès si vous touchez le bras d’une femme. Et nous n’en serons jamais là. Il faut maintenir les codes amoureux et les codes de séduction ; mais à condition d’avoir conscience que ce sont des codes. Et il faut bannir tout ce qui ramène les femmes à un manque de compétence de par leur sexe ou ce qui fige l’autre dans un rapport de force.

6- Comment une femme peut-elle réagir quand elle est victime de sexisme ?

Il faut avant tout savoir le reconnaître et le distinguer. Il y a ensuite deux façons de réagir. Une bonne et une mauvaise. La mauvaise consiste à basculer dans « l’affrontement ». C’est-à-dire à répliquer du tac au tac, à pleurer ou carrément à quitter la pièce. Ce genre de comportement entraîne inévitablement un effet boomerang qui peut aboutir à une escalade sans issue. La seconde façon est la « confrontation ». Au lieu de se mettre en face, on se met à côté de l’autre. Il faut être dans le « je », dans le ressenti pour montrer que l’on est blessée.

Expliquer : « Je suis triste quand tu ne reconnais pas mon travail ». Ou encore  » Ce genre de propos pénalise notre relation professionnelle ». Il faut éviter de répliquer par l’agressivité. Le mieux, si vous êtes confrontés à un acte sexiste qui vous a blessée, est de laisser passer la nuit pour vous calmer et mieux verbaliser. Parlez-en à une personne de confiance pour bien comprendre et ne pas être dans la surinterprétation. Puis, le lendemain, essayer la technique de la « confrontation ». Mais sachez qu’il y aura toujours des hommes qui seront sourds à vos revendications et qui continueront malgré tout

7- Quel doit être le rôle des pouvoirs publics dans la lutte contre le sexisme ?

Il faudrait rendre visible le phénomène en inscrivant ces réflexions dans les grandes enquêtes nationales. Monter des groupes de travail pour mieux définir le sexisme et lui trouver une qualification juridique. Sensibiliser à la question au sein des entreprises et de développer les recours. Mais il faut aussi développer les voies d’expression ; inciter les femmes à faire appel à un supérieur hiérarchique ou à un DRH en cas de souffrance liée au sexisme ou un psychologue


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Originally posted 2020-09-15 09:00:00.