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Faut-il s’inquiéter d’une présidence Trump?

La campagne de 2016 confirme que les États-Unis sont touchés par la même fièvre populiste que beaucoup d’États dans le reste du monde.

Sa première manifestation avait pris le visage des Tea Parties, ce mouvement anti-État et anti-impôts apparu en 2009 au lendemain de la crise financière et de l’élection de Barack Obama. Cette fièvre est aujourd’hui incarnée par Donald Trump, magnat de l’immobilier new-yorkais, star ébouriffée de l’émission de téléréalité The Apprentice, milliardaire haut en couleurs, mélange de Berlusconi et de Jean-Marie Le Pen.  Son programme correspond sur plusieurs points à la définition du populisme et s’inscrit donc dans la continuité de ce courant politique régulièrement présent dans l’histoire des États-Unis. Selon Pierre-André Taguieff, on peut en effet distinguer un populisme protestataire d’ordre économique et social, qui défend « les petits contre les gros » – ce qui explique qu’il y ait aussi un populisme de gauche –, et un populisme identitaire, nationaliste et xénophobe.

trump

La campagne de Donald Trump coche tout d’abord ces deux cases. Le discours de Trump s’adresse principalement à cette population, jouant sur son angoisse à la fois économique et identitaire. Il a ainsi fait de nombreuses déclarations considérées comme racistes, allant du projet de construction d’un mur le long de la frontière avec le Mexique pour empêcher l’immigration des latinos, au refus d’entrée des musulmans dans le pays. S’y ajoutent, en matière de politique étrangère, des propositions relevant d’un nationalisme égoïste : loin de tenter d’apporter la démocratie ou de jouer au gendarme dans le monde, les États-Unis ne doivent s’impliquer que si leurs propres intérêts sont en jeu. Ils doivent par ailleurs exiger de leurs alliés européens et asiatiques le financement complet de la protection militaire américaine.

Sur le plan économique, le candidat Trump recommande d’instaurer un fort protectionnisme économique pour relocaliser les emplois industriels aux États-Unis et une fiscalité moins lourde pour les classes moyennes. Il a pu, dans certains discours, annoncer qu’il mettrait en place une fiscalité moins favorable aux riches donateurs venus de Wall Street et du big business – ajoutant le plus souvent avec fierté qu’il ne dépendait pas d’eux pour financer sa campagne. Mais cette partie de son programme semble avoir disparu de ses plus récents discours, en même temps qu’il annonce vouloir faire lui aussi appel à de grands mécènes… L’attitude que Trump a pu avoir vis-à-vis de ces fameux 1 % les plus riches rejoint néanmoins un autre point fort du populisme : le rejet des élites, accusées d’être égoïstes et corrompues, et d’avoir confisqué à leur profit le pouvoir et les richesses qui appartiennent au peuple. D’ailleurs, l’agressivité et l’incohérence des propos de Donald Trump, qui compliquent l’analyse de ses positions sur le fond, constituent un signe supplémentaire de ce rejet des élites. En effet, elles tranchent explicitement avec la pratique des hommes et femmes politiques traditionnels, dont chaque propos est soigneusement calculé à l’avance et empreint de « politiquement correct ».

Si les revendications des Tea Parties étaient imprégnées de valeurs religieuses protestantes, la tradition populiste américaine n’est pas toujours conservatrice sur les questions de société. Donald Trump en est là aussi l’illustration. Il a ainsi été accusé par son ex-rival Ted Cruz, proche des chrétiens fondamentalistes, de représenter les « valeurs new-yorkaises », réputées progressistes en matière de moeurs. Il est vrai que « The Donald » sent le souffre : deux fois divorcé, protestant presbytérien non pratiquant, il est loin de prendre fait et cause contre les homosexuels, à l’inverse des conservateurs religieux du Parti républicain. Il s’est de nouveau attiré les foudres de ces derniers en prenant position dans la vive polémique qui a agité le pays sur la question des toilettes pour les transgenres. Il a en effet autorisé l’ancien athlète Bruce Jenner, aujourd’hui Caitlyn Jenner, à utiliser les toilettes pour femmes dans la Trump Tower de New York.

Peut-on enfin voir en Donald Trump le chef charismatique qui constitue le point de ralliement naturel des mouvements populistes, chargé de dialoguer avec « le peuple » par référendum, hors de tout intermédiaire ? Sa forte personnalité, son ego et son narcissisme, le succès qu’il rencontre auprès de ses fans depuis plus d’un an, peuvent le laisser penser. Le candidat remplit donc beaucoup des conditions de la feuille de route du populisme moderne.

Son élection ferait-elle pour autant connaître aux États-Unis une dérive autoritaire ?

Par: Alaa.D. Jaw


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